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    Traduction de l'interview de Richard au magazine TheTelegraph, 30 juin 2014

     

    Article original à lire ici

    Photos-portrait © Dan Burn Forti pour The Telegraph

     

    Traduction par Thorin Addict et Leilani 

     

     RICHARD ARMITAGE : « Je pense que je suis une personne qui fait peur »

     

    La star du Hobbit joue dans The Crucible au Old Vic. « C’est une grande montagne à escalader », dit-il à Chris Harvey

    Richard Armitage arrive droit des répétitions de la pièceThe Crucible d'Arthur Miller, dans le minuscule bureau encombré du régisseur du Old Vic. Il est barbu et vêtu d’un pantalon épais informe, de lourdes bottes et d’une chemise en coton rugueux sans col, ouverte à l’encolure qui révèle une large poitrine. Il a une grande et imposante présence physique.

     

    Tous ceux qui connaissent l’acteur de 42 ans seulement dans le rôle du nain Thorin Oakenshield dans les films du Hobbit, pourraient avoir un choc. Les téléspectateurs qui l’associent à l’agent double Lucas North, dans MI-5, au méchant Guy de Gisborne dans Robin des Bois, ou au personnage basé sur l’agent du SAS Andy McNab dans Strike Back pour Sky One, vont le connaître d’une autre manière.

    Ce rôle est un [nouveau] départ. Richard Armitage joue le tourmenté John Proctor dans le récit terrifiant des procès des sorcières de Salem au 17ème siècle, écrit par le dramaturge [Arthur Miller] et dans lequel la relation adultère de Proctor avec une jeune femme déclenche une série d’événements vengeurs qui vont conduire à la mort de nombreuses personnes.

    Il dit qu’il a l’impression d’avoir attendu cela toute sa vie. « C’est un rôle tellement épique. Cela me semble aussi important que le Roi Lear au niveau de ce que cet homme traverse. »The Crucible est le déroulement d’un cauchemar né d’un dépit accusateur qui est vu comme une allégorie de la chasse aux sorcières de l’anti-communisme à Hollywood dans les années 50.

    Je lui demande si on peut échapper à cette allégorie et en trouver une autre.
    « C’est finalement une pièce intemporelle, je crois », dit Armitage. « Il y a des répliques qui ont un rapport avec les années 1692, un rapport avec les années cinquante, avec aujourd’hui et avec demain, le seront dans 10 ans, 20 ans, aussi longtemps que nous nous détruirons encore les uns les autres de la manière dont nous le faisons, de cette manière humaine insidieuse. »

    Il promet que la production de Yaël Farber, metteur en scène encensée, va être une affaire solide. « Vous ne pouvez-pas jouer cette histoire sans aborder la sexualité dans cette société particulière à cette époque là, la masculinité des hommes, la féminité des femmes, la vulnérabilité des filles pré-pubères. Yael prépare quelque chose qui, en ce moment, semble être – et devrait être – brûlant. »

    Armitage a une présence visiblement calme, mais il parle avec passion. Je lui demande comment c’est d’affronter le point culminant insoutenable du Crucible encore et encore pendant les mois qui viennent.
    « C’est une grande montagne à gravir chaque soir », dit-il. « Il y a une démolition du personnage et presque une reconstruction, vers la fin. Je quitte la salle de répétition, et je l’emmène avec moi, j’emporte ses pensées, je rêve un peu ses rêves. »

    C’est un rôle que de nombreux non-amateurs de théâtre associent à Daniel Day-Lewis, qui a interprété Proctor dans un film en 1996. Comment Armitage se sent-il par rapport à cette interprétation ?
    « Je me souviens avoir vu le film à l’époque. Et je pense qu’il y a, dedans, quelques performances monumentales. Mais je crois qu’il y a quelque chose dans le fait de voir cette pièce dans un cercle [le théâtre a une sorte de forme incurvée, comme un creuset] avec le public s’observant parfois à travers la salle, qui en est l’aspect le plus excitant

    Daniel Day-Lewis s’est préparé au rôle en construisant lui-même la maison de son personnage avec des outils du XVII° siècle. Quand Richard Armitage jouait dans MI-5, il a acquis une fameuse expérience directe de waterboarding * dans la préparation d’une scène de torture. Il dit que cette sorte de compréhension est essentielle dans son approche de l’art dramatique.

    « Il y a une fascination du point de vue de l’acteur [qui dit] que si je n’expérimente pas ça, ai-je complètement saisi le personnage ? Vous savez, à un certain degré, le jeu ‘Méthode’ semble parfois paresseux. Aujourd’hui, avant que nous travaillions, j’étais dans une situation de stress qui m’a permis d’interpréter la scène que nous faisions sans avoir à jouer. J’avais perdu les sensations dans mes pieds. Ce n’était pas comme si je faisais semblant de ne pas pouvoir marcher. C’est la différence. En ce qui concerne le waterboarding*, je voulais vivre cette expérience une milliseconde pour que je puisse savoir exactement à quoi cela ressemblait. »

    Malgré ses aspects physiques extrêmes, c’est pourtant un rôle très différent de tous ces gars durs desquels Richard Armitage a exprimé le désir de s’échapper. « Cela me remplit parfois de consternation quand je lis les scripts qui viennent à moi et qui sont essentiellement basés sur la violence. Il y a tant d’autres choses à interpréter. »

    Il dit que sa carrière a été une lente montée. « J’ai commencé tard, et cela a pris 20 ans ». Il a directement rejoint un cirque à Budapest en sortant de l’école de Coventry - il a grandi dans les Midlands - pour obtenir son Equitycard. Il dit qu’il peut encore se souvenir, comme si c’était hier, de l’odeur des éléphants et d’avoir constamment eu faim pendant son séjour au cirque.

    Ensuite, il a travaillé dans un théâtre musical avant d’aller à l’Ecole d’Art dramatique à Londres et de rejoindre la RSC **. Mais il dit que son expérience pour essayer d’obtenir des rôles plus importants l’a convaincu de changer de cap.
    « Vous vous battez pour certains rôles et vous réalisez qu’ils sont interprétés par des acteurs de télévision et de cinéma, parce que le théâtre est constamment en train de se battre pour survivre, et ils ont besoin de noms et de visages [connus] et de vendre des tickets. Je me souviens d’avoir activement pris la décision, ‘Je dois y aller et me faire un nom par moi-même à la télévision ou au cinéma, pour que je puisse y retourner et jouer ces rôles que je veux avoir au théâtre.’ Puis on perd ça de vue, parce que le temps passe. »

    Sa carrière à la télévision a été aidée par le fait que les femmes le trouvent sexy. « Je ne le comprends toujours pas », admet-il. Il le fait remonter au moment où il a interprété le propriétaire d’une usine, John Thornton, dans l’adaptation 2004 de la BBC de Nord et Sud d’Elizabeth Gaskell.

    Cette attraction initiale a été entretenue au fil des ans, à tel point qu’un balayage rapide de Youtube révèlera un certain nombre de montages de lui dans divers rôles, à moitié nu ou lançant des regards noirs à la caméra, sous d’accablantes chansons d’amour. « Je n'ai vu aucun d'entre eux mais je vous crois sur parole », dit-il. « Je suis très réticent à tout ça. Je sais ce qu’est Twitter, je ne l'utilise pas, je n'utilise pas Facebook, alors par chance, cela n’a pas d’influence sur mon ego. »

    Sa réticence à partager sa vie privée avec la presse a mené à des rumeurs sur sa sexualité. Je lui demande si, dans l’ère de la chasse aux sorcières des tabloïds, ceux qui sont sur le devant de la scène, vivent avec la peur de se réveiller pour constater qu’ils sont devenus [les héros de] l’histoire, et si cela implique de censurer, en permanence, des parties de sa personne.

    « Je pense que si on a des choses à cacher alors il y a un niveau de stress avec lequel les gens vivent. Il me semble avoir lu quelque part que quelqu’un avait dit que j’étais farouchement protecteur de ma vie privée, et tout bien réfléchi, il n’y a rien d’acharné à protéger sa vie privée. Je pense que cela mérite d’être protégé, pour tout le monde et pas seulement pour les personnes très en vue. »

     

    Se sent-il protecteur de sa sexualité ? « Non je ne me sens pas protecteur à ce sujet. Je pense simplement que cela n’a pas de rapport avec ce que j’apporte en matière d’expression artistique… et quoi que ce soit d’autre, tout autre discours, papotage, rumeur, discussion, ce qui s’écarte de la discussion sur l’expression artistique…et cela a toujours été mon intérêt premier. »

    Dans le passé il s’est décrit, lui-même, comme une personne timide. « Plus maintenant », dit-il avec force. « Ce que je veux dire… si je suis vraiment, vraiment honnête, je suis un homme grand, je pense que je suis, parfois, une personne assez effrayante. »

    Dans quel sens ? « Je pense que je suis assez intransigeant. Je ne supporte pas ceux qui écrasent les autres ***. Et dans un sens, la timidité est une façon de protéger les autres de ça. Je peux sentir qu’il y a une intimidation qui peut arriver si je me tiens de toute ma hauteur, et si je parle à plein volume. Alors j’ai appris au fil des années, à adoucir tout ça, un peu. »

    Il admet qu’être dans le Hobbit a vraiment eu un effet sur sa carrière de comédien. « Avoir une personnalité du box-office à côté de votre nom est incroyablement important lorsqu’il s’agit d’aller à certains castings. Mais je ne pense pas que cela aurait fait une différence pour The Crucible. »

    Et après s’être concentré pendant 13 ans sur les films et la télévision, retourner à la scène est un très grand défi pour lui. « C’est la raison pour laquelle c’est intéressant d’y revenir maintenant, entrer dans une salle de répétition et se dire : ‘C’est pourquoi j’ai fait ça. J’avais oublié’. J’ai eu une incroyable révélation en faisant cela et je pense que je serai un acteur différent quand j’en sortirai ».

     

    Notes de Translator Girl :

    * Waterboarding : simulation de noyade qui consiste à ligoter la victime sur une planche inclinée de façon à ce que la tête soit plus basse que les pieds, on recouvre alors la tête de la victime d'un tissu et de l'eau est versée dessus et, sa respiration devenant très difficile, la victime est mise dans l'angoisse d'une mort prochaine par asphyxie. (Source Wikipédia)

    ** RSC : Royal Shakespeare Company

    *** I can’t bear bulls : Nous nous sommes basés sur l’une des nombreuses définitions du mot bull, en se concentrant sur celle-ci : ‘an exceptionnally large, strong and aggressive person’ et nous l’avons traduit par ‘ceux qui écrasent les autres’ puisque Richard fait référence, dans cette partie, à sa grande taille et sa voix grave, l’une et l’autre pouvant être très impressionnantes pour les autres. Nous aurions pu dire aussi ‘armoire à glace’, ‘malabars’, dominateurs’…

     

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  • Commentaires

    1
    marie153
    Mardi 1er Juillet 2014 à 11:59

    Merci pour votre traduction. J'avais deja lu l'article en anglais, mais il y avait certaines expressions qui m'echappaient (par exemple "I can't bear bulls). Merci encore pour votre genereux travaille!

    L'interview est tres interessant; il apporte une nouvelle perspective sur Richard.

    2
    Mardi 1er Juillet 2014 à 15:21
    April73

    Merci pour la traduction les filles. happy

    3
    Jolie pensée
    Mardi 1er Juillet 2014 à 16:03

    Merci les filles pour cette traduction collégiale.


    Que j'aime les interviews de Richard, car il est toujours très naturel, il parle avec passion de son travail, il réfléchit intelligemment et il a gardé la tête froide (sur les épaules). Pas de melon, pas de chevilles qui enflent. Richard tout simplement!!

    4
    lolo45000
    Mardi 1er Juillet 2014 à 19:49

    Superbe travail de traduction : merci les filles. J'avais également lu l'article mais évidemment n'y avais pas compris grand chose (les grandes lignes ... ).

    Suis en train de lire le livre de Miller et j'imagine bien notre Richard en J. Proctor.

    Je vois qqes photos de lui sur scène au Old Vic th. ou à sa sortie du théâtre sous la lumière jaune où l'attendent ses admiratrices : je vous envie les filles car ce sera bientôt votre tour.

    Faites attention car il signe les billets de la pièce ou les affiches avec son stylo plume (en argent et dont il est très fier ... paraît il) l'encre ne sèche pas assez vite et ça bave partout !! donc apportez vos stylos bille.

    RA aime beaucoup son métier et cela se sent dans l'interview. Quel bel acteur, quelle belle âme ! :)



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