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    Traduction de l'interview accordée par Richard à Vulpes Libris  le 8 juillet 2009

    Traduction par Translator Girl


    En conversation avec : Richard Armitage
    8 juillet 2009 par Moira

     

    Dans la dernière de nos séries ponctuelles « En Conversation avec… », nous sommes ravis de recevoir Richard Armitage à Vulpes Libris.
    Après avoir travaillé sans interruption pendant des années en tant qu’acteur –à la fois au théâtre et à la télévision- plus spécialement dans Sparkhouse et Cold Feet – Richard pris une importance soudaine en 2004 avec le rôle déterminant du propriétaire victorien d’une usine de coton, John Thornton dans la hautement estimée adaptation par la BBC du roman classique d’Elizabeth Gaskell Nord et Sud.
    En octobre l’an passé, il a rejoint l’équipe de MI-5 en tant que Lucas North, et a récemment mis fin à Guy de Gisborne dans l’iconoclaste série populaire de la BBC, Robin des Bois.
    Il a récemment très gentiment pris du temps sur un programme follement chargé afin de répondre à quelques questions pour nous.

      

    InterviewsVL : Avant tout, bienvenu sur Vulpes Libris et merci beaucoup de prendre du temps pour nous parler. Allons directement à la première question – que lisiez-vous, plutôt, quand vous étiez enfant ?

    RA : Tolkien –Le Seigneur des Anneaux, Le Hobbit ; Roald Dahl –Danny le champion du monde, James et la Pêche Géante, Steven King – It ; CS Lewis.

    VL : Qu’aimez-vous lire maintenant – pour le plaisir, plutôt en relation avec votre travail ? Et que lisez-vous actuellement ?

    RA : La plupart du temps de lecture est en rapport avec le travail lié à la documentation pour MI-5, beaucoup de Frédéric Forsythe, John Le Carré et Robert Lundlum.
    Biographie : Je lis actuellement la biographie de Heath Ledger, Une vie en jeu de Michael Gambon et Blake de Peter Acroyd.

    VL : Ca m’intéresse de savoir comment un acteur lit. Trouvez-vous que vous pouvez vous détacher de ce que vous êtes en train de lire, ou est-ce que votre moi professionnel fonctionne, se demandant à quoi ressemblerait une adaptation, ou comment vous joueriez le protagoniste ? Y a-t-il une sorte d’écriture dans laquelle vous pouvez vous perdre et oublier que vous êtes un acteur ?

    RA : Je ne tenterais jamais de me détacher de ce que je lis, le but étant toujours d’être acteur et narrateur. « Oublier que je suis un acteur ? » J’essaye toujours d’oublier que je suis un acteur surtout quand je joue. J’ai une mémoire visuelle ainsi n’importe quel stimulus recharge mes ‘batteries d’acteur’. La meilleure écriture est lorsque l’on se fond d’abord dans le personnage et puis dans le parcours de celui-ci à travers une intrigue palpitante. C’est mon genre de livre. Mon cerveau affamé d’histoires va vers l’intrigue mais si un personnage est détaillé et complexe alors l’intrigue peut avoir une place secondaire. Je cherche l’inspiration quand je fais des recherches sur des personnages – détails, pensées et actions mais surtout sensation, ce qui est particulier à chaque lecteur et qui change selon l’environnement de lecture. Je préfère lire une fiction pour de la recherche plutôt qu’un documentaire même si ce dernier est plutôt précis. Je suis un amoureux d’histoires.

    VL : La Grande Question du Moment – Les spoilers : où vous positionnez-vous ? Voulez-vous infliger une mort lente à la personne qui vous dit qui l’a fait ou êtes-vous celui qui jette un coup d’œil à la fin de paragraphe ?

    RA : Les spoilers sont le fléau de mon monde. Je ne comprends pas pourquoi on voudrait connaître la fin. C’est comme chercher les cadeaux de Noël et puis feindre la surprise le jour de Noël. Le lecteur se créé sa propre déception. Aussi on porte un jugement sur ce que la fin pourrait être et sans le ‘voyage’ ce jugement est brouillé, mais pire que tout, une fois que vous avez décidé, de ‘lire un spoiler’, que la fin n’est pas celle que vous espériez, ensuite, c’est presque impossible pour le déroulement de l’histoire de changer le jugement que vous avez porté. C’est comme un membre du jury qui décide en lui-même à l’avance d’un verdict coupable, en dépit d’une évidence écrasante. Je dis ‘ne le faites pas’ . Ne cherchez pas vos cadeaux de Noël, ils ne seraient peut-être même pas pour vous, et combien vous seriez alors désappointés ! Cependant, certaines personnes pensent que la frénésie autour de l’attente incitée par des petites miettes de spoilers, peut avoir un bon effet. Je suis dubitatif. Entre parenthèses, je faisais partie de la campagne ‘ne montrez pas le doigt tordu du shériff’, campagne sur le tournage de Robin des Bois…..Nous avons perdu !

    VL : Bon, vous êtes né un 22 août et votre nom est Richard. Je crois que ces deux faits ne sont pas complètement sans rapport et qu’il y a des projets en préparation pour un peu de réhabilitation de Richard III. Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus ?

    RA : J’ai été appelé Richard étant né le jour de l’anniversaire du décés de Richard III à Bostworth; un des livres favoris de mon père est 'The Sunne in Splendour' de Sharon Kay Penman*, et je l’ai lu il y a quelques années. Ces dernières années il y a eu un timide intérêt et axe de recherches dans la réhabilitation de cette histoire. En tant qu’acteur, c’est un projet que j’aimerais achever. Je crois que c’est une grande histoire, un thriller socio-politique, une histoire d’amour et une tragédie dynastique. Mon challenge est de convaincre des producteurs de voir au-delà de la leçon d’histoire; mais je suspecte fortement que ce ne sera pas pour demain, sans doute en dehors de mon aptitude à jouer le rôle, mais je n’exclurai pas de jouer un autre rôle, je pourrais même être producteur au moment où quelqu’un se lèvera et réalisera le potentiel de ce projet.

    VL : Saviez-vous que votre portrait de John Thornton a lancé plusieurs carrières d’écrivains. Je pense spécialement à Phillipa Ashley, Rosy Thornton et Elizabeth Hanbury – parce qu’elles ont toutes eu des livres critiqués sur Vulpes- mais je suis sûre qu’il y en a d’autres. Elles ont commencé à écrire des fan-fictions inspirées de Nord et Sud puis sont devenues des auteures publiées. Cela doit être un petit peu bizarre. Bien – mais bizarre ?

    RA : Je ne trouve certainement pas ça bizarre; beaucoup d’écrivains contemporains ont été inspirés par des ‘Classiques’ pour écrire des romans. L’inspiration dont vous parlez, qui a lancée ces carrières d’écrivains est la même inspiration qui a donnée à Sandy Welch (scénariste de N&S, ndt.) le désir d’adapter le roman d’Elizabeth Gaskell, et c’est à la fois Gaskell et Welch qui ont facilité mon interprétation de John Thornton. Même si j’aimerais être crédité du ‘lancement des carrières d’écrivains’, le mérite en revient à Gaskell.

    VL : Je pense que vous devez y être pour un peu, mais bon…Nous allons passer rapidement à la prochaine question. Un des aspects intéressants de votre jeu est votre constance dans l’importance d’une histoire antérieure de vos personnages. Vous semblez prendre plaisir en créant ce contexte et en faisant travailler votre imagination sur l’endroit d’où vient votre personnage et sur ce qui le motive ? A l’intérieur de l’acteur, il y a peut-être un auteur qui attend de sortir ?

    RA : Peut-être, bien que je travaille à partir du cadre de quelqu’un d’autre. Quand j’écris la biographie de mes personnages, ça prend la forme d’un journal/roman, qui navigue entre la première et la troisième personne, parfois la seconde. C’est bien de parler ‘à’ votre personnage, tout comme ‘pour’ et ‘sur’. Mais tout cela est de la documentation, et au moment où ça devient vrai c’est lorsque cette recherche devient le personnage et que ce personnage se rend dans le vaste monde et se heurte à d’autres personnages (souvent les facettes créées dans la biographie sont conçues pour causer le désordre quand ça arrive c’est comme poser une bombe à l’intérieur du personnage). Je pense qu’écrire est un acte solitaire; j’aime l’interaction d’une scène avec un autre personnage. C’est pourquoi vous ne me verrez jamais dans un one-man show.

    VL : Puis-je vous ramener vers Sparkhouse pendant quelques minutes ? (Pour ceux qui ne le savent pas, Sparkhouse était une dure mais fascinante série en trois parties écrite par Sally Wainwright et librement inspirée des Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë – mais avec les deux rôles principaux inversés…le personnage d’Heathcliff était joué par Sarah Smart et le personnage de Cathy par Joe McFadden). Votre personnage, John Standring, était une sorte d’amalgame d’Isabella et Hareton**. Aviez-vous lu Les Hauts de Hurlevent au préalable, et si oui, était-ce une aide ou une gêne?

    RA : J’avais lu le roman, en fait, je l’avais lu bien des fois avant et écouté Kate Bush !!!*** La dérivation du personnage était moins intéressante dans ce cas, ce qui était plus utile c’était la vision de Brontë sur ce paysage, littéralement et métaphoriquement, les thèmes majeurs dans le roman, l’étendue sauvage et la folie. Je n’ai pas essayé de repérer John dans le roman de Brontë et Sally tenait à ce qu’il n’y ait pas de parallèles exacts. Il y avait une ambiance élémentaire du roman qui avait plus d’impact sur moi.

    VL : En jetant un rapide coup d’œil à votre CV, je dois dire qu’il y a un peu un manque de personnages enjoués, joyeux. John Standring, John Thornton, Guy of Gisborne, Lucas North…pas vraiment des rayons de soleil, aucun d’entre eux. La seule exception récente était Harry Kennedy qui épousait la Vicaire de Dibley. Or, je crois que dans la vie vous êtes plutôt une âme joyeuse, plus comme Harry que Lucas – alors, êtes-vous attiré par les personnages sombres parce qu’ils sont plus intéressants à jouer… ou ne vous offre-t-on pas des rôles de types heureux ?

    RA : Je pense que je suis attiré par des personnages sombres parce que je suis une personne plutôt joyeuse ; il y a beaucoup de questions à se poser sur ces personnages. J’ai dit qu’à mon avis même en jouant Harry Kennedy, mon histoire était assez sombre, il fuyait quelque chose, de l’ombre à la lumière, et il a trouvé Géraldine ! Je crois qu’une fois qu’un acteur a relativement réussi dans un genre, on lui demande de recommencer. J’essaye de ne pas répéter cela, mais si le personnage est attrayant alors ça vaut la peine de l’explorer. Je cherche toujours ce qui est bon à l’intérieur du mauvais et vice versa. C’est ce qui m’attire chez Richard III. Le méchant, le bossu, l’assassin d’enfant, le monstre usurpateur – je veux essayer de trouver l’homme qui aimait Anne Neville passionnément, de l’enfance à la mort, qui était inconsolable à la perte de son fils unique et qui a mis en place le système judiciaire équitable que nous apprécions aujourd’hui; et aussi le faire assassiner la Princesse dans la Tour. C’est tout en contradiction.

    VL : Peut-on parler de Guy de Gisborne une minute. Après avoir attendu deux ans pour qu’il fasse quelque chose avec cette épée extrêmement grande, il exécute Marianne avec, ce qui était un peu surprenant, il faut bien le dire. Vous avez dit à l’époque, après ça, qu’il devait plus ou moins mourir… et il est mort. Etes-vous satisfait de ce départ – et vous manque-t-il ?

    RA : J’ai toujours maintenu que Gisborne n’était simplement intéressant que quant il n’avait pas ce qu’il voulait. Donnez-lui ce qu’il veut et c’est fini. En termes simples, en tant qu’un des méchants de la partie, ce qui était essentiellement adressé aux jeunes est qu’il devait vraiment souffrir pour la souffrance qu’il avait causé. Je suis content qu’il est était capable de se libérer du poids de ses actes et de mourir dignement. Il va me manquer mais c’est comme ça qu’il devait finir, j’aurais détesté me lasser de ce personnage, il était difficile à jouer et nécessitait beaucoup de ‘compromis’. Bien des choses ont été dites de manière critique sur les attentes des personnages dramatiques spécialement écrits pour la TV qui sont paradoxalement peu réalistes. Nous nous attendons à ce qu’ils soient parfaitement conçus, qu’ils soient par exemple toujours mauvais, d’une façon ou d’une autre, linéaires. Je crois que c’est ce qui amène à une réalisation stéréotypée de ce personnage, car si nous regardons honnêtement la Vie, de manière réaliste, alors nous devons accepter qu’il est possible pour un homme de tuer la femme qu’il aime lors d’un crime passionnel, regretter cela jusqu’au jour de sa mort, mépriser l’homme qu’elle aimait vraiment et finalement trouver un moyen de devenir ami avec lui. Comme je l’ai déjà dit, je ne pense pas que ce soit irréaliste de croire qu’un tueur en série puisse retourner à la maison vers sa femme qu’il aime de tout son coeur, embrasser tendrement sa fille nouvelle née pour lui souhaiter bonne nuit, c’est juste difficile pour nous de l’accepter. Un de mes grands mantras est que ‘les personnages sont les plus intéressants quand ils se comportent autrement’ (que ce à quoi on s’attend, ndt.), aussi quand les acteurs disent : « mon personnage n’aurait pas fait ça », je dis toujours « et bien, regardez ce qui arrive quand vous leur ‘faites’ faire ça ! ». J’ai dû travailler comme cela assez fréquemment avec Guy de Gisborne, c’est pourquoi il est devenu intéressant pour moi. Il  m’a aidé à m’enrichir en tant qu’acteur, pour ces raisons.

    VL : Où en est Richard Armitage ? Pourriez-vous nous dire ce que vous avez prévu prochainement ?

    RA : Une nouvelle série TV en 6 parties, un film et une pièce basée sur un roman, qui est devenue un film classique des années 60. Avec un peu de chance, MI-5 saison 9.

    VL : « Une pièce, basée sur un roman qui est devenue un classique des années 60 »... Eh.bien, cela est sans aucun doute intéressant... Si - de façon purement hypothétique - la bulle éclate demain et que votre téléphone arrête de sonner… avez-vous une seconde ou troisième corde à votre archet ? Vous êtes un musicien, je crois ?

    RA : Je suis totalement préparé à ce que le téléphone arrête de sonner; en fait je vais probablement déconnecter ce téléphone avant qu’il aie une chance de ‘ne plus sonner’. J’ai un fort besoin du direct, mais j’aimerais aussi produire. Si je pouvais remonter le temps, je serais certainement derrière la caméra.

    VL : C’est devenu une habitude sur Vulpes de demander à nos invités de nommer leurs cinq livres préférés – et d’en donner les raisons. La parole est à vous. Mais n’oubliez pas de la rendre…

    RA : 'Le Seigneur des Anneaux', le meilleur roman d’aventure pour un garçon de 12 ans. Un ‘road movie’. J’ai joué un des Elfes à l’école dans une pièce à l’époque (me documentant même à cette époque).

    'Danny le Champion du Monde' : le premier livre grâce auquel j’ai réalisé que je ne lisais pas seulement des mots qui avaient du sens, mais que j’imaginais aussi l’histoire dans ma tête.

    'The Sunne in Splendour' : légèrement ampoulé mais nécessaire comme antithèse au méchant de Shakespeare.

    'Nord et Sud ': je ne pense pas devoir dire pourquoi par rapport à celui-ci.

    'Crime et Châtiment': une lecture désirée intellectuellement, qui s’est transformée en fascination pour les personnages sombres (j’ai lu ça alors que je préparais Macbeth à l’école de théâtre, recherchant l’essence de la nature d’un esprit criminel et la déchéance d’un homme bon qui commet un acte mauvais ce qui mène alors à la création d’un violent criminel aguerri).

    VL : Bons choix et raisons intéressantes… Merci beaucoup vraiment. Et bonne chance avec Richard III.

    * The Sunne of Splendour est une roman inédit en France. Il parle de Richard III et de la Guerre des Deux Roses (1455-1487), série de guerres civiles en Angleterre entre la maison royale de Lancaster et la maison royale d’York. La guerre pris fin en 1485 quand le dernier roi des Plantagenêt, Richard III d’Angleterre mourut au champ d’honneur et qu’Henry VII devint Roi.

    ** Hareton est le frère de Hindley Earnshaw, le frère de Catherine, les propriétaires des Hauts de Hurlevent. Isabella est la sœur du riche Edgar Linton, l’homme qui épouse Catherine. Par vengeance, Heathcliff, le héros du roman et grand amour de Catherine, va épouser Isabella et la faire souffrir au point qu’elle va s’enfuir.

    *** Kate Bush a écrit et chanté « Wuthering Heights » en 1978 et cette chanson marque le début de sa carrière.