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Interview exclusive avec Richard Armitage sur son nouveau film Pilgrimage,
le lien avec ses personnages, et plus encore
9 juillet 2017
Photos © RLJ Entertainment
Article original à lire ici
Traduction de l'anglais réalisée par Jolie pensée
Alex Moreland a discuté avec Richard Armitage de son nouveau film Pilgrimage...
AM : Qu'est-ce que vous a attiré dans ce projet à la base ?
RA : La période m'intéressait, j'ai toujours aimé cette partie de l'histoire. Je me suis souviens à l'école primaire, je m'intéressais à Richard Cœur de Lion et à la conquête normande (1). Dans cette version particulière de l'histoire, j'étais fasciné par ce garçon élevé pendant l'occupation de l'Irlande rurale et le conflit d'un groupe de moines pacifistes contre cette famille, en particulier Raymond de Merville qui, comme le jeune prince, a grandi en période de guerre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
AM : Le film traite de la foi et de la force de conviction, etc. Quel est votre lien avec ces idées et est-ce qu'elles ont une place dans votre propre vie ?
RA : Je pense que ce qui m'a vraiment interpelé pendant le tournage c'est quand la relique a finalement été révélée sur ce promontoire rocheux, chacun y mettant tout son espoir et tenant cet objet avec tant de vénération et de force que c'est devenu comme un mythe. Je pense dans un sens que la réaction du personnage dans cette histoire est un peu moqueuse (critique) et on fait un peu la même chose dans nos sociétés contemporaines. On porte des idées avec tant d'importance, quel que soit le Dieu dans lequel on croit, c'est projeter quelque chose dans quelque chose qui n'a pas de valeur. C'est le fil conducteur du film.
AM : Pensez-vous que le film soit critique sur ce point de vue ?
RA : Je trouve que vers la fin du film, vous commencez à réaliser que l'auteur Jamie (Hannigan, le scénariste) et le réalisateur (Brendan Muldowney) ont vraiment travaillé sur la camaraderie et la célébration de la vie au moment où se produit le carnage sur cette plage. Ils suggèrent qu'on ne devrait pas placer autant d'importance dans ces reliques et est-ce que ça vaut le coup de mourir pour ça ?
AM : Quand vous regardez le film, trouvez-vous étrange de vous voir dans ce rôle ?
RA : Oui, c'est toujours un peu étrange et une des choses que je devais faire était de jouer en français. Je travaillais au Canada quand j'ai eu le rôle et j'ai commencé à travailler sur la langue et les canadiens m'encourageaient alors je suis allé tourner en Irlande et le professeur m'a dit "oh vous parlez avec l'accent québécois". Alors elle a commencé à m'apprendre avec l'accent irlandais! Quand je suis allé sur l'autre lieu de tournage, ils m'ont dit que je parlais français avec l'accent irlandais. L'enseignant là-bas était belge donc j'ai fini par parler français avec l'accent belge. C'était sympa de préparer ce rôle, je me focalisais sur le langage de mon personnage, donc il colle assez à ce monde. J'ai aimé jouer son rôle, il est très sombre mais j'ai essayé de trouver les raisons et le déclencheur qui ont fait qu'il soit devenu comme cela.
AM : Sur ce point, vous avez précédemment parlé de quelque chose que j'ai trouvé assez intéressant qui est l'idée de chercher un certain dualisme dans vos personnages. Vous pourriez nous dire ce que vous entendez par là ? Avez-vous trouvé la même caractéristique dans ce personnage en particulier ?
RA : Oui. Je crois, avec ce personnage, c'était assez difficile à trouver mais ce que j'ai fait, dès que le personnage a un rôle, dans le cas de Raymond c'est de suivre la relique à tout prix, même si cela peut lui coûter la vie, c'est un récit assez sombre, un but sombre à suivre. Vous devez comprendre ce qui le motive, même dans les moments les plus sombres, il reste humain, il a des éléments provocateurs. L'un d'eux est le fait que son père est faible, il dit de lui que c'est un lâche, et sa famille est en train de s'effondrer. Son but est de maintenir sa famille en vie et en prenant la relique et en se faisant bien voir de son roi, il combat cela en quelque sorte. Donc l'ambition est vraiment dans ses tripes et pour être honnête, en tant qu'acteur, je peux comprendre comment l'ambition peut vous dévorer à vos dépens. Il est donc question d'équilibre et malheureusement, Raymond n'a pas trouvé cet équilibre.
AM: Pensez-vous que le personnage est franchement méchant ou est-ce que son ambition est trompeuse ?
RA : Vous savez, pour être honnête, je ne l'ai jamais considéré comme un méchant. Je le vois un peu comme un porteur de guerre, d'un point de vue moderne, on considère les belligérants comme des personnes méchantes, mais je pense que dans cette période brutale dont on parle, il aurait été considéré comme un héros ou un champion parce qu'il poursuit sa quête. Mais oui, j'avais comme un goût amer dans la bouche de jouer ça.
AM : Pour revenir à ce que vous disiez sur les différentes langues, ce que j'ai trouvé intéressant dans Pilgrimage est la façon dont le langage est utilisé, en passant souvent de l'un à l'autre et bien sûr le personnage de Jon Berntal avait très peu de dialogues contrairement à vous. Est-ce que cela a une quelconque incidence sur votre performance ?
RA : Eh bien chacun de nous à différents niveaux ne parlait pas forcément dans sa langue maternelle et ça aide pour s'immiscer totalement dans une autre époque, dans la peau d'un autre personnage. Je pense que ça pousse le texte dans une dimension plus poétique, ce que Jamie Hannigan a très bien réussi. Mais, comme vous disiez, le personnage de Jon Bernthal ne parle pas mais je pouvais le sentir, à chaque moment, dans chaque rapport que j'avais avec lui, tout ce qui faisait était écrit dans son esprit, il ne l'exprimait pas tout simplement. C'est quelque chose qui m'a toujours fasciné dans un personnage, la plupart du temps, vous ne dites pas la vérité, il y a plein de choses que vous voulez dire mais vous choisissez de ne pas les dire. Les silences sont très importants dans le langage. Oui je suis fasciné par le langage, je trouve tout cela intéressant.
AM : Ce que vous disiez sur le silence, l'intériorité, comment avez-vous travaillé le processus de réflexion et le profil de votre personnage ?
RA : Le scénariste m'avait donné de nombreuses indications - Il venait de Rouen et avait grandi principalement en Irlande. Il y a eu l'occupation quand il était jeune homme, approximativement alors qu'il était adolescent, donc j'ai cherché dans les racines de sa famille, dans le manque de mère ou d'énergie féminine. Je pense que cela en dit pas mal sur le style et la tonalité de l'oeuvre. Je l'ai construit comme cela et je l'ai associé à des images, des musiques. Mais vraiment, c'est un peu comme un road movie linéaire, l'arrière-plan du personnage était décoratif. Il fallait qu'il y ait le ici, le maintenant et le après, c'est là qu'il fallait être avec ce personnage qui est quelqu'un de déterminé, ambitieux et qui va de l'avant.
AM : Quelles sortes de musiques et d'images avez-vous utilisées pour ce personnage ?
RA : Il a un artiste très kitsch qui s'appelle Odd Nerdrum (2), que j'ai utilisé à cette époque. En fait, j'ai trouvé un gros livre sur son œuvre et je l'ai envoyé à Brendan avant le tournage, parce que pour moi, cela représentait vraiment le monde. J'ai aussi utilisé un album de Joselyn Pook (3) qui fait une musique aux sonorités spirituelles, mais en même temps c'est très moderne et électronique. Je l'écoutais tous les matins dans la voiture pour aller sur le tournage.
AM : Est-ce une chose que vous faites pour chacun de vos rôles ?
RA : Oui, c'est ma manière de me concentrer. Parce qu'il y a tellement de distraction mentale quand vous travaillez sur un film que trouver un morceau de musique peut vraiment vous aider à focaliser votre esprit et vous remettre en place. Oui, j'ai tendance à faire ça.
AM : Quand vous travaillez aux côtés d'un acteur comme Tom Holland qui a approximativement l'âge que vous aviez lorsque vous avez débuté il me semble, est-ce que cela vous rappelle votre carrière ? Auriez-vous un conseil à lui donner ?
RA : Oui, en effet. Quand je repense à moi au même âge, c'est un acteur courageux, audacieux, inspiré, je ne pense que pas j'avais une once de son talent au même âge. J'ai beaucoup d'admiration pour lui. Il est tellement dévoué et voir autant d'engagement dans un acteur si jeune, c'est vraiment super et je crois qu'une incroyable carrière s'ouvre à lui.
AM: Vous avez fait beaucoup de théâtre, de film et de télévision. Comment pensez-vous que ces différents arts affectent votre approche ?
RA : Cela dépend de ce qu'on va me demander. Quand vous travaillez pour du théâtre, j'ai tendance à, c'est plus une habitude qu'une tendance, s'y adapter. Vous devez jouer 8 fois par semaine pendant douze semaines, vous devez être endurant. C'est la même chose pour un film, mais parce que vous jouez scène par scène vous pouvez garder votre énergie et la dépenser de différentes façons. Préparer un rôle est à peu près la même chose, avec le temps qui vous est imparti, vous essayez de contracter le plus de petites choses que vous pouvez pour votre rôle. J'écris beaucoup, et j'écoute de la musique, regarde des images et vous transportez votre imagination là où vous devez la transporter.
AM : Vers où va votre choix ?
RA : Je ne me suis jamais vu comme un acteur de cinéma, j'ai toujours été attiré par la scène. Mais j'ai travaillé plus sur des films que nulle part ailleurs et quand vous travaillez sur un film j'ai l'impression d'avoir beaucoup de temps, d'avantage que pour un téléfilm et particulièrement avec une production indépendante, j'ai l'impression que l'expérience est bien plus vaste. Donc pour le moment, j'aime beaucoup travailler pour des films indépendants au budget modeste, parce que c'est là que je fais évoluer ma carrière d'acteur et il n'y a pas de production terrifiée par les risques encourus. Donc pour le moment, c'est ce que je trouve excitant.
AM : Que pensez-vous de la place des films indépendants dans cette industrie en ce moment ? Trouvez-vous qu'on les soutient assez ?
RA : C'est toujours un grand combat mais je trouve aussi que les plateformes multimédia disponibles ont ouvert le champ des possibles pour voir un film. Sortir un film n'est plus un chemin de croix, Netflix et Amazon y ont contribué et ce sont de super plateformes pour diffuser des films. Les gens regardent les films de différentes façons, regarder un film à la maison sur un grand écran n'est plus un compromis. C'est bien, parce qu'au bout du compte, on veut juste travailler et faire de bons films. Maintenant, on se fiche de savoir si ça sort au cinéma ou pas.
AM : Y a t-il des rôles que vous aimeriez jouer ou que vous n'avez pas pu jouer ? Rôles spécifiques ou d'autres genres ?
RA : Je ne sais pas vraiment. Il y a plein de personnages historiques que j'adorerais jouer mais je ne suis pas assez vieux pour cela. Je suis en train de travailler sur un personnage dans un film que j'essaye de produire conjointement avec Irish Film Board, basé sur une histoire vraie et j'espère vraiment que je serai à la hauteur. J'aimerais bien aussi faire de la science-fiction. J'ai étudié la science-fiction que je préparais mon A-Level (4) et ça m'a toujours fasciné. Mon prochain projet s'aventure un peu dans la science-fiction, donc ça va être intéressant.
AM : Bon cela nous amène à ma dernière question. Est-ce que vous pourriez nous en dire plus sur vos projets à venir ?
RA : Oui, alors il y a un film écrit par Julie Delpy qu'elle va produire et diriger et qui s'appelle My Zoe. C'est un projet qui la passionne et elle travaille dessus depuis une dizaine d'années. Il y est question d'un mariage et de ce qui arrive à une petite fille, ça commence par une histoire de famille assez tragique et intéressante et il y a un peu de science-fiction.
AM : En définitive, qu'aimeriez-vous que le public retienne de Pilgrimage et de votre travail en général ?
RA : J'espère qu'ils seront transportés dans un monde et une époque très très loin de l'époque dans laquelle ils vivent, mais en même temps ils peuvent s'identifier aux passions de ces personnes d'il y a des siècles, qui sont finalement comme nous le sommes maintenant, pleins d'ambition, de rage et très pieux. J'espère qu'on aura permis au public de s'y identifier. En ce qui concerne ma carrière et mon travail, je souhaite que le public ne me reconnaisse pas dans la peau de personnage mais qu'ils voient le personnage avant de me voir moi. C'était mon but ultime.
AM : Richard Armitage, merci beaucoup
Ndlt:
(1) Période du Moyen-âge au cours de laquelle le duc de Normandie Guillaume le Conquérant envahit le royaume d'Angleterre. Cette invasion a pour événement marquant la bataille de Hastings en 1066 qui se solde par une victoire des normands et est la source du rayonnement du duché de Normandie sur l'Europe.
(2) Odd Nerdrum est un peintre contemporain norvégien autoproclamé kitsch dont les œuvres sont très controversées de par leur violence et leur connotation sexuelle ou dérangeante.
(3) Joselyn Pook est une compositrice de musiques de films. Elle a travaillé notamment sur Eyes Wide Shut ou Gangs of New-York.
(4) A-Level est en quelque sorte l'équivalent du bac en France.
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