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- "The Crucible" : la pièce. Notre compte-rendu
Mardi 19 août 2014, Londres. Geek Lady et Translator Girl ont rendez-vous à 17 h 30 avec quatre RAddicts françaises. Nous nous sommes données comme lieu de ralliement le Old Vic Theatre. Nous nous voyons pour la première fois et c'est un vrai bonheur de rencontrer des RAmies avec qui nous communiquons depuis 2 ans, via les réseaux sociaux. Quelques poses devant l'affiche de Richard/John Proctor et nous allons grignoter un en-cas dans un sympathique 'Prêt à manger' à proximité du théâtre.
L'heure tant attendue arrive. Nous sommes toutes placées au deuxième rang face à la scène.
Quatre d'entre nous du côté gauche, deux du côté droit. La salle est magnifique. Les décors aux tons brun/gris, les tentures qui ornent les balcons, nous plongent d'entrée dans l'ambiance austère de l'histoire. Nous regardons la salle se remplir, les coeurs palpitent, l'excitation monte...Une légère fumée se diffuse sur la scène, les lumières se tamisent... Les artistes entrent en scène. En un superbe ballet, ils enlèvent les chaises disposées sur le plateau... Tout d'un coup, notre coeur se met à battre plus vite ! IL est là, magnifique, assis sur l'une des chaises. Déjà, sa posture nous laisse entrevoir les souffrances qui attendent John Proctor et lorsqu' il hisse sa chaise sur son dos courbé, le poids du fardeau devient une évidence.
Les acteurs, évoluant toujours comme dans un ballet, installent le décor. Débute, alors, un spectacle magnifique porté par des comédiens extraordinaires. Ils incarnent avec leurs talents, leurs physiques, leurs postures, leurs mimiques, les personnages qui vont déclencher et ceux qui vont subir l'hystérie destructrice qui s'abat sur Salem. Tout dans la mise en scène est parfait et contribue à l'atmosphère oppressante et dramatique de l'histoire : les costumes, les décors, les jeux de lumières, la musique, discrète qui monte crescendo et gronde à l'approche des moments tragiques, la fumée qui plonge la scène dans une sorte de brume, les cendres qui tombent par moment (les supposées sorcières étaient brûlées vives)... Les acteurs, très proches du public, ne sortent jamais de leurs rôles en regardant la salle. Seul le député gouverneur nous prend à témoin lors d'une scène cruciale.
Quelques minutes après le début de l'acte un, Richard entre en scène. Il est extrêmement beau. Quelle présence ! Quel magnétisme ! Quel charisme ! Sa voix grave, sa grande taille, son corps enveloppé dans un grand manteau, son regard bleu dans lequel passe toute une gamme d'émotions, ses placements, ses déplacements, tout est juste. Il est difficile de ne pas détacher son regard de Richard. Pourtant, nous nous laissons happer par l'histoire et le jeu des autres acteurs, notamment, Adrian Schiller (Révérend John Hale) que nous trouvons exceptionnel. La confrontation de Proctor avec Abigaïl (magnifique Samantha Colley) est chargée d'une intensité sensuelle. Il est évident que quelque chose s'est passé entre eux et que le trouble submerge, encore quelque peu, John Proctor, même s'il s'en défend...
Au début de l'acte deux, nous faisons la connaissance d'Elizabeth Proctor (Anna Madeley). La nuit tombée, elle attend son mari, tout en lui préparant un repas et une bassine d'eau chaude. A travers ses attitudes, on comprend la solitude, la lassitude, l'inquiétude, que ressent cette femme trahie... Alors qu'elle se retire à l'étage, John rentre, enfin. Il goûte aux mets qui chauffent sur le feu (une bonne odeur se répand dans la salle prouvant que quelque chose mijote vraiment), y ajoute du sel et se dirige vers le baquet pour se laver. Il retire sa chemise et commence ses ablutions. Ce simple geste rituel, se trouve alors chargé d'émotions. Que de lassitude, aussi, chez cet homme ! Quel est ce fardeau qui fait plier sa longue nuque au-dessus du bassin ? La culpabilité ? Le remords ? Le dégoût de soi ? La solitude ? Se lave-t-il de ses pêchés ? Elizabeth le rejoint et s'engage, alors entre eux, une discussion émotionnellement forte. Les deux acteurs sont magnifiques. Elle malheureuse, accusatrice, froide devant les manifestations de tendresse de son mari. Lui, accablé de remords, qui lui témoigne son amour en l'embrassant et en la touchant et qui essaye de faire amende honorable en demandant le pardon, pardon qui ne peut lui être accordé que s'il se l'accorde, d'abord, à lui-même... Une scène bouleversante qui nous fait prendre conscience du fossé qui s'est creusé entre eux et de l'amour qui, pourtant, les unit encore. L'acte se termine par l'arrestation d'Elizabeth, sous les cris désespérés de John qui quitte la scène, s'arrête un instant et qui, superbe sous la lumière d'un projecteur braqué sur lui, le regard perdu vers l'horizon, semble s'adresser à Dieu.
Les lumières éclairent la salle, c'est l'entracte. Et le moment pour nous d'échanger nos premières impressions, de partager notre émotion. Nous sommes toutes bouleversées par ce spectacle et émerveillées par le talent de cet homme que nous admirons déjà tellement... Les spectateurs regagnent peu à peu leurs sièges, les lumières s'éteignent et nous nous apprêtons à vivre une expérience encore plus intense et déchirante.
Le troisième acte débute et Richard nous offre une interprétation magistrale. Comme il est douloureux de le voir affronter le terrible député gouverneur Danforth (Jack Ellis) et de le voir dos tourné à sa femme lui crier qu'il a tout avoué de sa faute ! Comme il est douloureux de le sentir impuissant devant la folie collective des jeunes filles menées par Abigail et de le voir subir la trahison de Mary Warren (Natalie Gavin) sa petite bonne venue témoigner en faveur de son épouse et qui finit par se retourner contre lui ! Et comment ne pas avoir le coeur serré devant ses paroles impuissantes face à l'obscurantisme de ses juges ? Comment ne pas avoir le coeur en lambeaux devant ses pleurs ?
La fin approche. L'acte ultime. La mort a fait son oeuvre à Salem. Danforth et le juge Hathorne (Christopher Godwin), inquiétants dans leurs longs manteaux noirs, capuche sur la tête, en sont le parfait symbole. Le Révérend Hale, tremblant, vêtu de haillons, croulant sous la culpabilité qui le ronge d'avoir été complice d'une sanglante erreur judiciaire, tente de sauver des vies. Son empressement à vouloir sauver celle de Proctor, emprisonné depuis trois mois, permet à John et Elizabeth de se retrouver dans un dernier tête-à-tête.
John/Richard, vêtu de guenilles, les mains enchaînées, le corps marqué de sévices, fait son entrée sur scène. Sa voix est cassée, son visage est marqué, tout son être n'est que douleur... Comment décrire l'intense émotion que l'on ressent face à cet homme qui pose sa main sur le ventre de sa femme enceinte, face à leurs poignantes retrouvailles ? C'est beau et c'est déchirant ! Et comme leur baiser passionné est bouleversant ! Et cet homme torturé et brisé qui se redresse et qui dans un dernier acte de générosité, d'amour et d'honneur, choisi de partir à l'échafaud et s'éloigne dans un nuage de brume, sans jamais quitter sa femme du regard...
Nous sommes au bord des larmes et même, pour certaines, en larmes ! La pièce est finie, les acteurs sont acclamés par une standing ovation, Richard est ovationné. Nous venons d'assister à un spectacle exceptionnel. Servie par le texte magnifique d'Arthur Miller, cette pièce est un pur joyau. Yaël Farber en est le maître d'oeuvre, les acteurs en sont les pierres précieuses, Richard, le coeur en diamant. Il EST John Proctor. Il donne tout. Dans la rage, la violence, la colère, l'amour, la complicité, la culpabilité, le remord, la tristesse, le désespoir, l'absence de joie, dans toutes les émotions, dans toutes les situations, il est magistral.
Richard est un immense acteur de théâtre.
Notre expérience au Stage Door, à lire ici
Crédits photos: © RichardArmitageFrance - © OldVicTheatre - © TheArtsDesk via RANet - © JohanPersson via RANet
Writing this review in French was very emotional. We have tried to improve the Google translation and keep the 'spirit' of the original text. Nevertheless, some phrasings have been a little bit modified because too difficult to be faithfully transposed in their structures.
Please, be indulgent with our spelling mistakes, grammatical errors and wrong turns of phrase.
Tuesday, August 19, 2014, London. Geek Lady and Translator Girl have an appointment at 5.30 p.m. with four French RAddicts. We gave ourselves as rallying point, the Old Vic Theatre. We see each other for the first time and it's a pleasure to meet RA friends. We are in contact with them since 2 years via the social networks. Some poses in front of the poster of Richard / John Proctor and we’re going to nibble a snack in a nice ‘Pret A Manger’ close to the theatre.
The long-awaited hour is coming. We are all seated on the second row in front of the stage.
Four of us are on the left, two on the right. Everything is beautiful. The scenery in brown/gray tones, the hangings adorning the balconies, set the mood and plunge us into the austere atmosphere of the story. We watch the room fills gradually, hearts throb, excitement increases...A light smoke spreads over the stage, the lights dim...
The artists come on stage. In a beautiful ballet, they remove the chairs from the stage... Suddenly, our heart starts to beat faster! HE is there, gorgeous, sitting on a chair. Already, his posture gives us a glimpse of the sufferings John Proctor will endure and when he hoists his chair on his bent back, the weight of the burden becomes obvious.
The actors, always moving as if they were in a ballet, install the scenery. Begins, then, a magnificent spectacle brought by extraordinary actors. They embody with their talents, their physicals, their postures, their facial expressions, the characters who will trigger and those who will endure the destructive hysteria which strikes Salem. Everything about the staging is perfect and contributes to the oppressive and dramatic atmosphere of the story: the costumes, the scenery, the lights effects, the music, which discreet goes crescendo and rumbles as approaches the tragic moments, the smoke that plunges the set into a sort of haze, the ashes which fall at times (the so-called witches were burned alive)... The actors, very close to the audience, never get out of their roles. Only the deputy governor calls us to witness in a crucial scene.
A few minutes after the beginning of the act one, Richard comes on stage. He is extremely beautiful. What a presence ! What a magnetism ! What a charisma ! His deep voice, his great size, his body wrapped in a large coat, a range of emotions in his blue eyes, his postures, his movements, everything is right. It’s difficult not to take our eyes off Richard. However, we are enthralling by the story and the acting of the other artists, notably Adrian Schiller (Reverend John Hale) that we find exceptional. The confrontation between Proctor and Abigail (beautiful Samantha Colley) is bursting with a sensual intensity. It is evident that something has happened between them and that an infatuation still overcomes John Proctor, although he doesn’t admit it...
At the beginning of act two, we meet Elizabeth Proctor (Anna Madeley). At nightfall, she waits for her husband while preparing a meal and a basin of hot water for him. Through her attitudes, we can perceive the loneliness, the weariness, the anxiety, felt by this betrayed woman... As she retires upstairs, John returns at last. He tastes the dishes that heat on the stove (a good smell permeates the room proving that something really simmers), added salt and headed for the wash tub. He removes his shirt and begins his ablutions. This simple ritual gesture is so emotionally charged ! What a weariness in this man, too ! What is this burden that bends his long neck over the basin ? Culpability ? Remorse ? Self-disgust ? Loneliness ? Does he want to wash away his sins ? Elizabeth joins him and then begins an emotionally strong discussion. Both actors are wonderful. Her, unhappy, accuser, cold in front of her husband’ signs of affection. Him, overwhelmed with remorse, showing his love by kissing her, touching her, trying to make amends by asking forgiveness… Forgiveness which might be granted only if he could forgive himself, first... A deeply moving scene that makes us aware of the gulf between them, of the love which, still, unites them… The act ends with the arrest of Elizabeth, with the desperate cries of John. While leaving the stage, he pauses. Beautiful under the light of a spotlight, he stares at the horizon and seems to speak to God…
The lights illuminate the room, it's the interval. And the moment for us to share our first impressions, to share our emotion. We are all moved deeply by this show and amazed by the talent of this man we admire so much already ... The audience gradually regain their seats, the lights switch off and we are about to experience something even more intense and harrowing.
The third act begins and Richard gives us a masterful performance. How it is painful to see him face the terrible deputy governor Danforth (Jack Ellis) and see him forced to turn his back to his wife and screaming that he has confessed his fault ! How it is painful to feel his powerlessness in front of the collective madness of the young girls led by Abigail and to see him endure the betrayal of Mary Warren (Natalie Gavin) his little maid came to testify in favor of his wife who ends up turning against him ! And how is it possible not to have a lump in our throat when hearing him shout ineffectual words against the obscurantism of the judges ? How is it possible not to have our heart in tatters seeing his tears ?
The end is near. The ultimate act. Death has done its work in Salem. Danforth and Judge Hathorne (Christopher Godwin), frightening in their long black coats and hooded, embody it. Reverend Hale, trembling, dressed in rags, crumbling under the weight of the culpability that consumes him, is a mere shadow of his former self. The culpability of being accomplice in a bloody miscarriage of justice, makes him try to save lives. His eagerness to save Proctor’s one, imprisoned since three months, allows John and Elizabeth to meet themselves in a final tête-à-tête.
John / Richard, dressed in rags, his hands chained, his body afflicted by maltreatments, comes on stage. His voice is broken, his face bears the marks of suffering, his whole being is pain... How to describe our intense emotion seeing this man put his hand on his pregnant wife’s belly, seeing their poignant reunion ? It's beautiful and it's heartbreaking ! And how their passionate kiss is stirring ! And this tortured and broken man straightens up and in a final act of generosity, love and honor, chooses to go to the scaffold and moves away in a cloud of mist, without taking his eyes off his wife...
We have tears in our eyes and even some are in tears ! The play is over, the actors are cheered with a standing ovation, the audience gives Richard an ovation. We have seen an exceptional show. Served by the beautiful text of Arthur Miller, this play is a jewel. Yael Farber is the ‘master craftswoman’, the actors are the precious stones, Richard is the diamond heart. He IS John Proctor. He gives everything. In rage, violence, anger, love, complicity, guilt, remorse, sadness, despair, lack of joy, in all emotions, in all situations, he is masterful.
Richard is an immense theatre's actor.
French version of the review here
Crédits photos: © RichardArmitageFrance - © OldVicTheatre - © TheArtsDesk via RANet - © JohanPersson via RANet
Tags : richard, armitage, france, crucible
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Commentaires
2LeilaniSamedi 23 Août 2014 à 15:24Merci pour ce compte-rendu les filles qui m'a replongé dans ce que j'ai vécu il y a un mois maintenant. Une magnifique expérience de théâtre je n'ai jamais vu de ma vie une œuvre aussi intense ou tout, absolument tout est d'une qualité irréprochable. Richard est effectivement un diamant, si nous en voulions le preuve, la voici. Pour reprendre ce que dit pepper 30, je citerai un proverbe indien: "Un diamant avec quelques défauts est préférable à une simple pierre qui n'en a pas". Encore merci à toutes les deux, on attend la stage door maintenant!
3SandraSamedi 23 Août 2014 à 19:36ça me donne encore plus envie d'y être déjà!encore une bonne quinzaine de jours et je pourrai enfin assister à cette magnifique représentation; je vais prévoir les mouchoirs ...
A breathtaking summation of the play, violence and tenderness inhabits the man, regret, remorse for the love he shared with his wife, but for a brief moment of tempting lust drove him to the abyss of transgression. After the darkness of torture and prison, he desired redemption through the gallows with that long lonely look with his wife to the end.
5lolo45000Samedi 23 Août 2014 à 23:55Merci les filles pour vos impressions ! votre article sur Chouchou est le plus beau que j'ai jamais lu jusque là. C'est magnifique :D
On sent bien l'émotion que vous avez ressentie et vous l' avez décrite admirablement bien.
Comme je vous envie d'avoir pu l'approcher ...
6Axele-BrigitteDimanche 24 Août 2014 à 03:30J'ai lu ce commentaire si bien ecrit qu'il pourrait en lui-meme etre une piece de theatre - si touchant, si emouvant, si "raw", si réel, si exceptionel, que j'en etait en larmes en le lisant. Merci pour cet emouvant reportage d'une piece exceptionelle, d'artistes exceptionels mais aussi d'un artiste très special - Richard Armitage - qui nous coupe le souffle sans arret, chaque moment que nous le voyons. Merci d'avoir partagé une experience si émotionelle, si intense, si troublante, qui vous / nous a transforme pour tourjours. Merci. Thank you and Bless you. xxx xxx xxx
Merci pour ce sublime compte-rendu. Grâce à vous, je me suis replongée avec délice et émotion dans la pièce. :-)Merci pour vos commentaires, les filles <3 Thanks for your comment, ScrarabraE <3... Voir cette pièce a été l'un des moments les plus forts de nos vies. Nous avons assisté à un spectacle intense et bouleversant et nous y avons découvert un Richard sublime, au sommet de son art. L'émotion que nous avons ressentie est toujours présente en nous au bout de 2 semaines et y restera, sans doute, encore longtemps. Non seulement, nous avons réalisé notre rêve, voir et rencontrer en chair et en os cet acteur, cet homme que nous admirons tant, mais nous avons, aussi, partagé cette expérience avec quatre adorables RAddicts... Une autre très belle rencontre... Et pour tout cela, on dit un grand MERCI à Richard.
10KATIAMercredi 17 Septembre 2014 à 19:40Magnifique compte-rendu. J'ai eu la chance de voir le spectacle et j'ai ressenti les mêmes émotions que vous aux mêmes instants. Puis-je rajouter quelque chose à votre texte ? : "Richard est un immense acteur" tout simplement. Que ce soit théâtre, cinéma, télévision ou livres-audio, il est le plus gRAnd.
11ScarabraEDimanche 7 Décembre 2014 à 01:33Waiting for The Crucible download, superb Review in New York Review of Books, Oct.28 issue... on Richard's Proctor.
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merci pour ce magnifique compte-rendu les filles ! je termine ma lecture, les larmes aux yeux, pleurant avec vous la mort de John, et émue, profondément émue par la justesse de votre avis sur Richard : oui c'est un diamant magnifique, qui peut encore être taillé un peu certes, parce que personne n'est jamais totalement parfait, mais cela me conforte dans l'idée que je ne me suis pas trompée sur lui ! Merci beaucoup à toutes les deux.